Limiter l’impact du stress thermique des pondeuses avec la nutrition et le management

Date : Jan 30, 2024
Sujet(s) : Conduite d'élevage | Nutrition
Temps de lecture : 5'
Expert : Ozgur Korkmaz

L’exposition à des températures saisonnièrement élevées est une préoccupation de plus en plus fréquente en élevage de pondeuse. La température optimale pour les poules pondeuses se situe entre 18°C et 24°C. Selon la classification climatique de Koppen, la plupart des régions du monde sont exposées à des températures de 26 degrés et plus plusieurs mois par an. A l’instar des humains, la perception d’une température élevée augmente avec l’humidité, résultant en une augmentation du stress thermique des animaux.

Même si les poules pondeuses sont moins sensibles aux températures élevées que les poulets de chair, des températures supérieures à 24°C peuvent affecter les performances. Elles ont notamment un impact sur la consommation quotidienne d’aliments et, par conséquent, sur le nombre d’œufs, la qualité de la coquille, le poids de l’œuf, etc. Le stress thermique peut avoir un impact considérable sur la croissance et les performances des poules, et de ce fait un impact économique important sur les exploitations. Des mesures en termes de gestion et de nutrition peuvent être prises pour réduire l’effet du stress thermique chez les pondeuses.

EFFET DU STRESS THERMIQUE SUR LES PONDEUSES

Le premier impact de températures élevées est la diminution de la consommation d’aliment. L’étude menée par Mashaly et al. (2004) a comparé plusieurs scénarios avec des températures et humidités variables suivant le scénario. Les trois scénarios appliqués étaient le contrôle (température et humidité relative moyennes), le traitement cyclique (température et humidité quotidiennes cycliques) et le stress thermique (chaleur et humidité constantes) pendant une durée de 5 semaines. Les résultats de l’étude, illustrés dans le tableau 1, montrent clairement les effets négatifs d’une température élevée sur la consommation quotidienne d’aliments des poules, la production d’œufs, le poids et la qualité des œufs.

Tableau 1. Effet du stress thermique sur les pondeuses (1)

Paramètres Contrôle
23.9°C
Cyclique
23.9 to 35°C
Stress thermique
35°C and 50% HR
Consommation journalière (g / poule / jour)86.7a65.9b41.6c
Production d’oeuf (%)87.4a82.5a56.2b
Poids de l’oeuf (g)56.4a53.5b46.9c
Poids de la coquille (g)5.06a4.76b3.50c
Epaisseur de la coquille (0.01mm)34.8a33.9a28.3b
Gravité spécifique(f/cm3)1.074a1.072a1.064a

A–CLes moyennes pour un même paramètre avec des lettres différentes sont significativement différentes (P < 0,05).
(1) Mashaly et al. (2004) “Effect of Heat Stress on Production Parameters and Immune Responses of Commercial Laying Hens1” Poultry science 83: 889-894

Les pondeuses n’ont pas de glandes sudoripares, c’est pourquoi elles ne peuvent pas perdre leur chaleur par transpiration. La chaleur est perdue par échange direct avec l’environnement extérieur (air, litière, rayonnement) ainsi que par la crête, les pattes, les plumes et les ailes. La perte de chaleur est réduite lorsque la température augmente.

Par conséquent, cette étude montre combien il est important de contrôler la température lorsque c’est possible ou de maximiser la perte de chaleur par la ventilation afin d’éviter ou de minimiser l’impact sur les performances.

La chaleur entre la poule et l’environnement est transférée par différents moyens tels que le rayonnement, la convection, la conduction, la vasodilatation et l’évaporation.

  • Rayonnement : La perte de chaleur est proportionnelle à la différence de température entre la surface du corps et l’air ambiant : les toits chauds mal isolés augmentent la température et le stress thermique.
  • Convection : Le corps chaud de la poule libère de l’air chaud dans l’environnement. La vitesse de l’air sera utile pour augmenter la convection.
  • Conduction : La chaleur peut circuler d’une surface à l’autre, par exemple lorsque les poules se tiennent ou se couchent sur une litière fraîche. Relativement peu important.
  • Vasodilatation : Méthode de perte de chaleur par laquelle les vaisseaux sanguins proches de l’extérieur du corps, tels que la crête et les barbillons, s’élargissent et permettent au sang de circuler davantage. Cette augmentation du flux sanguin près de l’extérieur du corps amène la chaleur interne du corps à la surface pour qu’elle soit perdue.
  • Evaporation : Les poules utilisent cette méthode lorsque les températures sont élevées afin de stabiliser leur température corporelle en augmentant leur respiration par halètement (hyperventilation).

La gravité du stress thermique dépend de nombreux facteurs tels que la température maximale dans un élevage, l’humidité relative, la durée de l’exposition aux températures élevées, la construction du bâtiment, le système de ventilation et la vitesse de circulation de l’air. Les bâtiments fermés et correctement isolés sont donc plus performants que les bâtiments ouverts. L’augmentation de la vitesse de l’air dans un bâtiment aide les poules pondeuses à évacuer la température plus rapidement.

Dans l’étude (J. L. Purswell, S. L. Branton 2015), présentée dans le tableau 2, une vitesse d’air élevée par rapport à l’air immobile dans le bâtiment améliore la production d’œuf, le poids des œufs et la consommation d’aliments des poules pondeuses à une température de 27,8 °C et dans des conditions d’humidité relative d’environ 84,51 %. Une autre méthode pour réduire la température de l’air consiste à utiliser des systèmes de refroidissement ou de brumisation. Les poulaillers ventilés doivent être équipés de systèmes de pression positive ou négative. Une forte densité d’animaux dans des systèmes tels que les cages ou les volières peut affecter la régulation de la température corporel des animaux. Éviter une forte densité est une solution pour atténuer l’effet du stress thermique.

Tableau 2. Effet de la vitesse de l’air sur les performances des poules pondeuses entre 39 et 48 semaines (1)

Vitesse de l’air
(m/s)
Consommation
(g/poule/jour)
FCR
(g)
Poids des oeufs
(g)
Production d’oeuf
(%)
> 0.2586.7b1.87155.4c84.51b
0.7696.8a1.82558.7b90.80a
1.5297.3a1.85559.7a91.21a
p-value< 0.00010.6020< 0.0001< 0.0001

(1) J. L. Purswell & S. L. Branton (2015) “Effect of air velocity on laying hen Performance and egg quality” American Society of Agricultural and Biological Engineers

STRATEGIES NUTRITIONELLES

Tout d’abord, il est important d’adapter l’heure des repas pour les pondeuses affectées par un stress thermique. Il n’est pas conseillé d’avoir de l’aliment à volonté. L’alimentation doit être donnée aux heures de la journée où la température est la moins élevée. 30 à 40 % de l’alimentation quotidienne devrait être donnée tôt le matin car, en fin d’après-midi, une augmentation significative de la température corporelle peut être observée. Ce n’est pas le moment le plus chaud de la journée, mais c’est le moment où la digestion est la plus rapide si les poules ont été nourries tôt le matin. Cette température corporelle élevée peut entraîner la mort dans les cas particulièrement graves de stress thermique. Par conséquent, 60 à 70 % de l’alimentation quotidienne devrait être distribuée en fin d’après-midi.

En outre, il est possible d’ajouter un flash lumineux d’une ou deux heures pendant la partie fraiche de la nuit, ce qui permet aux poules d’avoir plus de temps pour se nourrir et s’abreuver (si la réglementation locale l’autorise).

Une bonne granulométrie des aliments est également importante en cas de stress thermique. Pendant cette période la consommation d’aliments sera réduite ; il est donc important d’assurer une consommation optimale d’aliments avec une présentation correcte.

Le besoin en énergie diminue à mesure que la température augmente et ce jusqu’à plus de 27°C (81°F), ce qui entraîne une réduction des besoins énergétiques des poules. Au-dessus de 27°C, le besoin énergétique re-augmente du fait de l’halètement nécessaire à la réduction de leur température corporelle. Dans ce cas, il est important de fournir la bonne quantité d’énergie, en fonction de la température.  Une poule pondeuse régule sa consommation d’aliments en fonction du niveau d’énergie qu’ils contiennent. Néanmoins, cette régulation est moins efficace lorsque la température est élevée.

Une autre possibilité pour réduire le stress thermique est de modifier la composition des aliments. L’inclusion d’huile dans l’alimentation s’est avérée depuis longtemps bénéfique dans les climats chauds. En effet, la digestion des graisses produit moins de chaleur que la digestion des glucides ou des protéines.

                Les niveaux de protéines doivent être ajustés dans les formulations pour maintenir la productivité des animaux, car la consommation d’aliments diminue pendant le stress thermique. De même, la diminution de l’ingestion d’aliment pendant le stress thermique nécessite une augmentation des niveaux d’acides aminés alimentaires (proportionnelle au pourcentage de diminution de l’ingestion d’aliment) afin de maintenir les performances. En conclusion, l’ajustement des protéines et des acides aminés doit être adapté à la consommation réelle d’aliment par poule et par jour. Cela vaut mieux qu’un niveau excessif de protéines dans l’aliment.

Les poules pondeuses augmentent leur consommation d’eau pendant les périodes de stress thermique. Le rapport eau/aliments passe d’environ 2:1 à des températures neutres à 5:1 en cas de stress thermique. Il est extrêmement important de fournir de l’eau potable propre et fraîche, à la bonne température, tout au long de la journée. Une eau de boisson particulièrement fraîche peut aider les poules à lutter contre le stress thermique. Cet aspect doit être soigneusement pris en compte, même s’il peut être difficile à contrôler dans des conditions pratiques. Glatz (2001) a rapporté que des poules pondeuses soumis à une température de 30°C consommaient plus d’aliments et produisaient des œufs de meilleure qualité lorsque la température de leur eau de boisson était réduite à 15°C dans un cas et à 5°C dans l’autre.

REDUCTION DE LA CORTICOSTERONE

Les poules sont exposées à de nombreux facteurs de stress au cours de leur vie. Les facteurs susceptibles d’induire des réactions de stress comprennent la densité de peuplement, la température, le transport, les restrictions alimentaires, la contamination des aliments, la peur et les maladies. L’un des glucocorticoïdes, la corticostérone, est la principale hormone de stress chez les volailles, elle stimule la production de gluconéogenèse pour fournir au corps plus d’énergie lorsque les poules sont confrontées à des situations stressantes (Carsia et Harvey, 2000).

Chez les poules pondeuses, un taux élevé de corticostérone entraîne une augmentation de la prise alimentaire, une diminution du gain de poids, une augmentation des concentrations de corticostérone et des rapports hétérophiles/lymphocytes, un picage plus important, une immobilité tonique plus longue et une diminution des fonctions immunitaires (El-lethey et al., 2001 ; Shini et al., 2009). En outre, elle augmente le poids du foie et du coussin adipeux abdominal (Pilo et al., 1985). Enfin, l’administration de corticostérone retarde le début de la ponte, raccourcit la durée du pic de production et réduit ainsi la production journalière d’œufs des poules (Shini et al., 2009).

C’est pourquoi la réduction des niveaux de corticostérone doit être ciblée pour atteindre une productivité optimale. L’ajout de vitamine C ou de vitamine E à l’alimentation de la poule peut contribuer à réduire ce phénomène.

Dans l’étude (Chung et al. 2005), présentée dans le tableau 3, l’ajout de vitamine C (200 mg/kg) et/ou de vitamine E à l’alimentation des poules a permis de réduire les niveaux de corticostérone dans le sang de manière significative (p<0,05).

L’ajout de vitamine C (200 mg/kg) et/ou E (250 mg/kg) au régime alimentaire pourrait prévenir une dégradation de la qualité de la coquille et de la solidité de l’os du tibia en atténuant les effets stressants d’une température environnementale élevée chez les poules pondeuses.

Tableau 3. Concentration sérique de la vitamine C, de la vitamine E et de la corticostérone chez les poulets de chair exposés à un stress thermique environnementale de 32°C (1)

ComposantsAlimentation
de base
Base + Vit CBase + Vit EBase + Vit C + Vit E
Vitamin C (g/ml)7.87a12.73b7.26a12.24b
Vitamin E (g/ml)2.80b1.63a8.20c8.35c
Corticosterone (ng/ml)5.97a3.23b2.54b2.78b

a-c Les moyennes dans une ligne sans exposant commun sont significativement différentes. (p<0.05 (1) Chung & al. (2005) “Effects of Dietary Vitamins C and E on Egg Shell Quality of Broiler Breeder Hens Exposed to Heat Stress” Asian-Aust. J. Anim. Sci. Vol. 18, No. 4: 545-551

PREVENTION DE L’ALCALOSE RESPIRATOIRE

En haletant (hyperventilation), les animaux perdent de la chaleur, mais les poumons et le sang perdent aussi une quantité excessive de CO2. La diminution du CO2 dans le sang entraîne une élévation du pH sanguin, qui devient plus alcalin, ce qui est appelé une alcalose respiratoire. Le pH sanguin plus élevé réduit l’activité de l’enzyme anhydrase carbonique, ce qui entraîne une réduction des ions calcium et carbonate transférés du sang à la glande coquille. Un autre facteur contribuant à l’amincissement des coquilles d’œuf est la réduction de l’apport en calcium et l’augmentation de la perte de phosphore. Dans l’étude (Belay et al., 1992), présentée dans le tableau 4, des poules ont été utilisés pour vérifier les données relatives à l’excrétion urinaire au cours d’un stress thermique maintenu à 35°C pendant 36 heures. Le stress thermique a augmenté (P < 0,05) la production d’urine de 52,3 à 109,9 ml/12 h et a également augmenté les quantités totales de Na, K, Cl, Ca et P dans l’urine.

                L’ajout de chlorure de potassium, de bicarbonate de sodium et de phosphore peut remplacer les électrolytes perdus pendant le stress thermique. Dans la littérature, ces traitements se sont avérés bénéfiques pour réduire la mortalité dans les troupeaux soumis à un stress thermique aigu.

Tableau 4. Excrétion d’urine durant 12 heures, mg/kg poids corporel (1)

ParamètresThermo neutre
24°C
Stress thermique
35°C
Na6.4b11.0a
K26.0b54.2a
Cl18.9a11.3b
Ca1.8b4.0a
P37.9b60.4a

a,b Les moyennes dans une ligne sans exposant commun sont significativement différentes (P < 0.05). (1) Belay & al (1992) “Mineral Balance and Urinary and Fecal Mineral Excretion Profile of Broilers Housed in Thermoneutral and Heat-Distressed Environments” Oklahoma State University, Animal Science Department, Stillwater, Oklahoma 74078

CONCLUSION

Le stress thermique peut avoir un impact économique important dans les élevages de la plupart des régions du monde. L’anticipation est essentielle pour minimiser les effets du stress thermique, il est donc nécessaire de mettre en œuvre des mesures de management et de nutrition appropriées avant que la température n’augmente. Toutes les mesures de management prises dans les élevages contribueront à accroître la productivité des poules, bien plus que la simple modification de la composition des régimes alimentaires.

Enfin, le progrès génétique continu réalisé par NOVOGEN a permis des gains significatifs à la fois dans la production et la qualité des œufs. Il a également permis d’obtenir des oiseaux robustes et résistants dans toutes les conditions de production. Néanmoins, afin de réaliser le potentiel génétique des pondeuses, le management et la nutrition d’un lot doivent être étroitement surveillés et adaptés à l’environnement local.

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